Dans 48 heures, tous les regards seront tournés vers Abidjan, la capitale économique de la Côte d’Ivoire. Ce jeudi 29 mai 2025, les gouverneurs de la Banque Africaine de Développement (BAD) se réuniront pour désigner celui ou celle qui dirigera l’institution pour les cinq prochaines années.
Une élection à huis clos, aux allures de grande bataille diplomatique, en marge de l’Assemblée annuelle de la Banque. Le successeur du Nigérian Akinwumi Adesina, à la tête de la Banque depuis 2015, y sera désigné.
Mais comment, concrètement, devient-on président de la BAD ?
Un fauteuil convoité, cinq candidats en lice
À la tête de la BAD depuis dix ans, le Nigérian Akinwumi Adesina passera le flambeau le 31 août prochain.
Pour lui succéder, cinq candidats sont en lice. Depuis plusieurs mois, ces derniers sillonnent discrètement capitales africaines et couloirs diplomatiques pour rallier des soutiens.
Ce sont le Sénégalais Amadou Hott, ancien ministre et ex-vice-président de la BAD,
le Zambien Samuel Munzele Maimbo ancien cadre de la Banque mondiale,
l’ex-directeur de la BADEA le Mauritanien Sidi Ould Tah,
la Sud-Africaine Bajabulile Swazi Tshabalala (seule femme en lice), actuellement vice-présidente principale de la BAD,
et le Tchadien Mahamat Abbas Tolli, ex-gouverneur de la BEAC, soutenu par la CEMAC.
Tous sont officiellement en compétition. Le vainqueur devra convaincre… mais surtout obtenir une double majorité.
Une élection verrouillée par les chiffres
La Banque compte 81 pays membres. Des États africains dits « régionaux » et des partenaires internationaux comme la France, le Japon ou les États-Unis.
Tous sont actionnaires, tous votent. Mais pas à égalité.
Le poids de chaque pays est calculé en fonction de sa part de capital dans l’institution africaine. Certains pays pèsent donc plus lourds que d’autres dans l’urne.
Il faut donc savoir que, parmi les pays africains, seuls quatorze détiennent plus de 1 % des voix, mais ensemble, ils concentrent près de 47 % du poids électoral régional
On y retrouve le Nigéria (9,33 %), l’Égypte (6,33 %), l’Algérie (5,33 %), l’Afrique du Sud (5,05 %), le Maroc (4,76 %), et la Côte d’Ivoire (3,82 %).
Du côté des pays non-africains – au nombre de 27 –, 13 dépassent les 1 % et représentent 35 % des voix à eux seuls.
Et pour être élu, il faut une double majorité.Ainsi, le futur président devra avoir au moins 50,01 % des voix des pays africains membres (appelés pays régionaux) et 50,01 % de l’ensemble des pays-membres, c’est-à-dire pays africains et non-africains confondus.
Un processus millimétré loin du regard du public
Le vote se déroule à huis clos, dans une salle sécurisée. Seuls les gouverneurs, leurs suppléants et quelques administrateurs y ont accès.
C’est également valable pour le président sortant, même s’il ne brigue pas un nouveau mandat, n’a pas le droit d’y assister.
Chaque jour de scrutin est suivi d’une vérification minutieuse. Si, au bout de cinq tours, aucun candidat ne parvient à atteindre la double majorité, le vote est suspendu.
Le Conseil des gouverneurs peut alors désigner un président par intérim, le temps d’organiser un nouveau scrutin.
Qui peut être candidat ?
Pour prétendre au fauteuil présidentiel, il faut être ressortissant d’un pays africain membre, être proposé officiellement par un État membre et justifier d’une solide expérience dans les domaines de l’économie, de la finance ou du développement international.
Une fois les candidatures déposées, elles sont examinées et validées par un comité du Conseil des gouverneurs.
Derrière ces noms, ce sont autant de projets pour l’Afrique : finance verte, partenariats Sud-Sud, lien avec le secteur privé, rigueur macroéconomique… et lobbying à tous les étages.
Une élection sous haute tension géopolitique
L’Afrique fait face à une relance post-Covid incomplète, à l’urgence climatique, et à un accès au financement de plus en plus disputé. Le continent a donc besoin d’argent.
La BAD joue un rôle clé dans le financement. Pourtant, l’institution est aussi sous pression :
Les États-Unis prévoient de retirer près de 550 millions de dollars (soit 336,1 milliards de FCFA) destinés au Fonds africain de développement. Alors, ce 29 mai, la Banque ne choisira pas simplement un nouveau visage.Le nouveau président devra rassurer les partenaires techniques et financiers, convaincre les agences de notation, renforcer la transparence et surtout répondre aux attentes des pays africains.Car derrière les chiffres, il y a des routes à construire, des jeunes à former..
Eirena Etté